• Article rédigé par : Bogdan Dobrescu et Don Lincoln

    Pourquoi n'a-t-on toujours pas détecté la matière noire, censée être majoritaire dans l'Univers ?

    Parce qu'elle n'existe pas ?

    Ou parce qu'elle est bien plus complexe qu'on ne le pensait, comme le proposent de nouveaux modèles ?

    Les multiples visages de la matière noire

    La galaxie d'Andromède, notre voisine céleste, recèle un mystère. Elle tourne trop vite sur elle-même pour que les lois connues de la physique en maintiennent la cohésion. La gravité engendrée par la matière visible de la galaxie est trop faible pour retenir les étoiles à sa périphérie qui, filant à toute vitesse, devraient être projetées hors de la galaxie. Si la matière existante se résumait à la matière visible, Andromède, comme presque toutes les galaxies spirales, ne devrait tout simplement pas exister.

    Les cosmologistes pensent qu'un type de matière invisible – de la « matière noire » – entoure et imprègne Andromède et les autres galaxies, apportant le supplément de force gravitationnelle nécessaire pour en maintenir la cohésion. Cette matière noire représenterait plus de 80 % de la matière contenue dans l'Univers.

    Dans les théories les plus simples, la matière noire est composée d'un unique type de particules, qui reste à identifier. Mais en dépit de décennies de recherche, personne n'a pu obtenir de preuve directe de l'existence de la matière noire. De plus, quelques désaccords subsistent entre les observations astronomiques et cette théorie simple. Combinés, ces désaccords résiduels et l'échec de la détection de cette substance insaisissable amènent certains scientifiques à remettre en cause la piste d'un seul type de matière noire. En effet, l'absence de détection est une information en soi, dont on déduit des limites sur certaines propriétés de la matière noire. Par exemple, l'absence de signal permet de calculer une limite supérieure à la probabilité d'interaction de la matière noire avec la matière ordinaire. Ces limites sont de plus en plus sévères et d'autant moins compatibles avec un modèle de matière noire à un seul type de particules.

    Certains physiciens explorent des scénarios qui se dispensent de matière noire. Par exemple, ils étudient des théories où les lois de la gravitation sont modifiées et dont le comportement s'écarte de la mécanique newtonienne pour des accélérations extrêmement faibles (et non testées en laboratoire), comme dans les régions périphériques des galaxies. Cette approche reproduit de façon satisfaisante la rotation des galaxies spirales. Mais elle a ses défauts et requiert, par exemple, l'ajout de matière invisible pour décrire la dynamique des amas de galaxies.

    De nombreux physiciens restent convaincus par l'hypothèse de la matière noire car elle explique une grande variété d'observations astronomiques et cosmologiques : le mouvement des galaxies au sein des amas galactiques, la distribution de la matière à l'échelle de l'Univers, la dynamique de la matière lors d'une collision de deux amas ou le phénomène de lentilles gravitationnelles (l'amplification de la lumière émise par une source lointaine grâce à la déformation de l'espace-temps par la présence d'un objet massif dans la ligne de vue).

    Dès lors, si l'hypothèse de la matière noire semble fondée, mais que le scénario à un seul type de particules n'est pas satisfaisant, il faut envisager que la matière noire puisse être plus complexe. Après tout, la matière ordinaire se présente bien sous de nombreuses formes – peut-être la matière noire est-elle tout aussi riche.

    Ces dernières années, des physiciens ont envisagé cette possibilité. Cela pourrait s'accompagner d'un nouveau type de forces jusque-là insoupçonnées, agissant fortement sur la matière noire et très faiblement (ou pas du tout) sur la matière ordinaire. Des observations récentes de collisions de galaxies apportent peut-être un soutien préliminaire à cette hypothèse. De tels modèles expliqueraient de façon plus naturelle l'absence de signaux de la matière noire dans les différentes expériences actuelles et proposent des solutions à certaines difficultés théoriques posées par les modèles simples. Si la matière noire complexe existe, l'Univers est alors encore plus riche et fascinant que ne l'imaginaient les cosmologistes.

    La part cachée de l'Univers

    Bien que nous ne sachions pas encore de quoi est constituée la matière noire, nous en déduisons certaines propriétés grâce à son influence sur la matière ordinaire, par des observations ou des simulations numériques. Par exemple, les particules qui composent la matière noire sont probablement assez lourdes. Des particules de matière noire légères fileraient à une vitesse proche de celle de la lumière et ne se seraient pas accumulées dans des régions de l'Univers primordial qui sont à l'origine des grandes structures observées aujourd'hui.

    Parce qu'elles n'absorbent pas de rayonnement...






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